Origine des noms de nos villages

Pour la formation des noms, les étymologistes procèdent par assimilation. Ainsi, ils considèrent que tous les noms formés avec le suffixe « ing » ou « inga » en flamand ou « enge » et « ange » en français ont une origine germanique et signifient « ceux de chez … » Exemples : Hoepertingen = ceux de chez Hubert, Bassenge (Bitsingen) = ceux de chez Basso, etc...

 

Ou encore avec le suffixe acum sont d’origine latine, avec le même sens:

Beringariacum = ceux de Bérenger et la règle ne souffre aucune exception.

Or, les différents auteurs, et non des moindres, ont eu des interprétations diverses .

Ainsi, pour Grandville on a :

Crenval (1018 acte de Henri II, peut-être Grandville ?)

Grenvilh (1306), Gerenneville (1324) = villa de Gérin ou Guérin (Carnoy)

(1455) Grienvelt et Greynvelt, (1497) Greynville

Jusereneville de juserena villa = villa d’en bas (G.Kuth)

Gere-la-ville = villa sur le Geer

Pour Lens-sur-Geer : (IXe s. Lennis), (1139 Lens)

Lindis = aux tilleuls

Liminis = les habitations

Lentius = domaine de Lentius (nom romain)

Pour Bergilers (Belliek en flamand)

Burginley (1346) Breginley (1354)

De Beringariacum et par dérivation Beringaliacum = de Bérenger

Burgilacum (de Burgila) qui donne en wallon Burgeley et en flamand Borglik

Berlik Belliek

Il est clair que chaque interprétation exclut toutes les autres. L'étymologie n'est donc pas infaillible. On comprend dès lors l’importance de l’antériorité. Les appellations les plus anciennes étant évidemment plus proches de l'origine du mot. La topologie a, dans bien des cas, dû jouer un rôle déterminant pour désigner des lieux.

Le nom Oreye, selon Carnoy, viendrait de Aurelius villa, villa d’Aurelius. Ce n’est qu’une hypothèse, car malheureusement, aucun écrit n’en atteste.

Ainsi, à Oreye, c’est l’appellation romane qui a prévalu, alors qu’à Otrange, le wallon aurait gardé jusqu’au XXe siècle la prononciation thioise (Ôtrindje).

 

La toponymie nous autorise cependant à d’autres hypothèses. CH. Grandgagnage

préconise orella, orle de ourler, soit limite.

Nous trouvons cette explication très pertinente. Mais l’origine des noms Oreye et

Otrange pourrait bien être celtique et non romaine.

Les anciennes dénominations Urlo (923), Urle, Orelhe, Oreilh, Orey, Oreilhe viendraient-elles du latin ora = le bord, l’entrée qui a donné l’orée ou plutôt de son correspondant

Oer (du germain ur , prononcez our) = l’origine.

Ceci expliquerait bien qu’en néerlandais, Oreye se dit Oerle (prononcez ourle). Remarquons qu’aucune des plus anciennes dénominations ne commence par « ou », alors que 2 commencent par « u ». Certains y ont vu une désignation de la frontière linguistique. Pourquoi les anciens auraient-ils baptisé leur village en pensant à une frontière linguistique qui n’apparaîtrait que plus tard.

Si Oreye représente une limite, c’est bien d’une limite de forêt dont il s’agit Ces forêts ont dû être très anciennes, car déjà à l’époque romaine nos campagnes étaient défrichées et cultivées. C’est donc vers la vallée du Geer qu’il faut se tourner.

L’origine du mot Otrange pourrait être de la même veine.

On a Watrenges (1223) et Wotrenges (1250) Wouteringen (qui est le nom flamand) dès 1382

Nous pensons qu’il ne faut pas interpréter Wouteringen comme Wouter-ingen qui donne alors ceux de chez Walter (NB Walter, étymologiquement "wald herr"= seigneur de la forêt).

La dénomination Wouteringen correspond à Wotrenge (N.B. on retrouve Woutrenge sur d’anciennes cartes) prononcé en wallon qui donne Wotrindje puis Otrindje.

Wouteringen de woud ( du celte widu = la forêt) et ring pourrait signifier le bord de la forêt (la prononciation en anglais, autre langue germanique, wood range y correspond) La double appellation romane (Oreilh, Otrindje) et thioise (Oerle et Wouteringen) se retrouve à d’autres endroits :

- Heure-le Romain et Heure-le Tixhe  (Diets-Heur)

- Audun-le-Roman et Audun-le-Tiche entre Thionville et Longwy

- Paturages et Antheit ( de aan ‘t heid = aux pâturages)

 

 

 

Ainsi, à Oreye, c’est l’appellation romane qui a prévalu, alors qu’à Otrange, le wallon aurait gardé jusqu’au XXe siècle la prononciation thioise (Ôtrindje).